Commission Dommage à l'Economie

Direction scientifique : Thierry DAHAN

Vice-président de l’Autorité de la Concurrence.

 

Liste des membres de la commission (par ordre Alphabétique)

  • Martine  BEHAR-TOUCHAIS , Professeur de Droit UNIVERSITÉ PARIS I
     
  • Alain  GAUVAIN , Directeur juridique CARREFOUR FRANCE
     
  • Nicolas  GUÉRIN , Directeur juridique ORANGE
     
  • Valérie  LEDOUX , Avocat, Cabinet RACINE
  • Yaël  MREJEN , Avocat Cabinet MREJEN
     
  • Maurice  NUSSEMBAUM , Expert financier SORGEM
     
  • Mikael OUANICHE , Expert-comptable, Secrétaire Général de l’APCEF
     
  • Colette PERRIN , Président de chambre Cour d'appel de Paris
  • Catherine  PRIETO  , Professeur de droit UNIVERSITÉ PARIS I
  • Marie-Cécile  RAMEAU , Avocat BREDIN PRAT
  • David  SPECTOR , Expert financier CNRS
     
  • Amal  TALEB , Juriste concurrence UFC QUE CHOISIR
     
  • Anne  WACHSMANN , Avocat LINKLATERS

 

La notion de « dommage à l’économie » a fait son apparition dans le droit positif français avec Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

 

Aux termes de l’article L. 464-2 du Code de Commerce, l’Autorité de la Concurrence peut imposer des sanctions pécuniaires en cas d’entente ou d’abus de position dominante, « en fonction de la gravité des faits, de l’importance du dommage causé à l’économie, de la situation de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné (e) ou du groupe auquel l’entreprise appartient, et de l’éventuelle réitération d’infractions antérieures aux règles de concurrence. »[1].


Compte tenu de la nature répressive et dissuasive, mais non réparatrice, des sanctions pécuniaires imposées aux auteurs de pratiques anticoncurrentielles dans le but de rétablir et de préserver l’ordre public économique, le dommage causé à l’économie ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les personnes victimes de l’infraction.


Il ne se limite par ailleurs pas aux seuls gains illicites que son ou ses auteurs ont pu escompter en retirer, mais englobe tous les aspects de la perturbation qu’elle est de nature à causer au fonctionnement concurrentiel des activités, secteurs ou marchés directement ou indirectement concernés, ainsi qu’à l’économie générale.


Il intègre non seulement le transfert et la perte de bien-être que l’infraction est de nature à engendrer au détriment des consommateurs intermédiaires ou finaux et de la collectivité dans son ensemble, mais aussi, notamment, son incidence négative sur les incitations des autres acteurs économiques, par exemple en matière d’innovation. Il ne se réduit donc pas à une perte précisément mesurable.


Pour apprécier l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité de la Concurrence tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence et dans la mesure où elle en dispose :

  • l’ampleur de l’infraction ou des infractions (couverture géographique, nombre, importance et parts de marché cumulées des entreprises en cause, etc.) ;
     
  • les caractéristiques économiques des activités, des secteurs ou des marchés en cause (barrières à l’entrée, degré de concentration, élasticité-prix de la demande, marge, etc.) ;
     
  • les conséquences conjoncturelles de l’infraction ou des infractions (surprix escompté, absence d’une baisse de prix attendue, impact indirect sur des secteurs ou des marchés connexes, en amont ou en aval, etc.) ;
     
  • leurs conséquences structurelles (création de barrières à l’entrée, effets d’éviction, de discipline ou de découragement vis-à-vis des concurrents, baisse de la qualité ou de l’innovation, entrave au progrès technique, impact sur la compétitivité du secteur en cause ou d’autres secteurs, etc.), etc. ;
     
  • leur incidence plus générale sur l’économie, sur les opérateurs économiques en amont, sur les utilisateurs en aval et sur les consommateurs finaux.


On peut mesurer l’originalité de cette notion de « dommage à l’économie » en relevant que la Commission européenne, à partir de la même liste de critères, utilise la notion « d’importance économique de l’infraction » pour le calcul des amendes.


L’introduction du concept de « dommage » introduit donc une difficulté supplémentaire dès lors que la jurisprudence considère que le dommage, en droit de la concurrence, a la nature d’une externalité négative qui atteint l’ensemble de l’économie et non celle d’un préjudice individuel.
Partant de ce constat, la réflexion sur la notion de « dommage à l’économie » que la présente commission se propose de mener pourrait s’articuler autour de deux problématiques complémentaires :


1.Quels sont les outils et les méthodologies de mesure de l’évaluation du dommage à l’économie ?


Quels critères d’objectivité peut-on reconnaître à ces outils s’agissant d’une discipline – la science économique – reposant, par nature, sur des présupposés d’ordre philosophique, politique, idéologique ?


Les autres domaines des sciences sociales qui utilisent la notion d‘externalités négatives peuvent-ils nous aider à cerner les caractéristiques de ce que doit être un « dommage à l’économie »


Par suite, le dommage à l’économie doit-il être considéré, comme le texte actuel le prévoit, comme un critère parmi d’autres, devant être pris en considération pour la détermination de l’amende à infliger aux auteurs de pratiques anticoncurrentielles ?


Au contraire, le dommage à l’économie doit-il s’imposer comme le seul outil de quantification précise de la sanction dans une nouvelle logique de « réparation intégrale du préjudice subi par la collectivité » ?
 
2.Comment la sanction au titre du dommage à l’économie (relevant d’une logique d’« action publique », par nature punitive et dissuasive) s’articule-t-elle avec les dommages et intérêts susceptibles d’être réclamés par les victimes de l’infraction, en réparation de leurs préjudices économiques individuels ?

 

Le juge de l’indemnisation, saisi par une victime de pratiques anticoncurrentielles doit-il appliquer strictement le principe de la réparation intégrale, issue de notre théorie générale de la responsabilité qui « consiste à replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée en l’absence de dommage » ?

 

Doit-il, ou non, prendre en considération les sanctions déjà prononcées par l’Autorité de la Concurrence, pour appréhender, dans leur globalité, les conséquences financières des sanctions publiques et privées prononcées à l’encontre de l’auteur de l’infraction ?

 

Faut-il au contraire basculer dans un régime de « peine privée » et ouvrir aux juridictions civiles, au nom du principe d’effectivité posé le droit communautaire de la concurrence, la possibilité de prononcer des dommages exemplaires ou punitifs qui conduiraient à aller au-delà de la simple réparation du préjudice réellement subi (perte et manque à gagner), en prenant, par exemple, en compte les gains illicites de l’auteur de l’infraction ?

 

L’objectif des travaux de cette commission, en s’appuyant sur l’analyse comparée du Droit Français au regard des autres Droits Nationaux et du Droit Européen de la Concurrence, sera d’établir un rapport de propositions concrètes en vue d’améliorer le dispositif actuel de sanction et réparation des pratiques anticoncurrentielles.

 

Pour ce faire, la commission s’attachera à :

 

  • dresser un état des lieux du droit et de la Jurisprudence nationale et étrangère
     
  • décrire et procéder à une analyse critique des pratiques expertales en matière de détermination du dommage à l’économie, d’une part, et d’évaluation des préjudices économiques individuels d’autre part.
     
  • proposer des solutions concrètes en vue de déterminer des normes techniques partagées d’évaluation du dommage à l’économie et de promouvoir la nécessité de motiver le calcul des montants de dommages accordés par les tribunaux au titre des dommages économiques.

 

 
Dernière modification : 23/09/2016