|
« Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se trouvait si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ». La responsabilité civile, tout entière résumée par cette formule de la Cour de cassation, repose implicitement sur un double-postulat qu’il convient d’interroger : celui d’un équilibre préexistant au dommage et celui de la « brisure » de cet équilibre par la faute, qu’il appartient à son auteur de rétablir.
Le principe de réparation intégrale soulève ainsi des questions éthiques, politiques et existentielles fondamentales autour de la notion de responsabilité individuelle et collective. Il impose également une réflexion sur les modalités concrètes de compensation dans des sociétés complexes, interconnectées, a fortiori lorsqu’il s’agit de traiter de dommages irréversibles ou inévitables.
En effet, la définition prétorienne a pour effet de réduire la responsabilité civile à sa fonction curative au détriment de sa fonction normative. Elle perd ainsi sa double perspective en renonçant, d’une part, à sanctionner la gravité de la faute commise, l’on pense particulièrement à la faute lucrative, et, d’autre part, à développer une approche préventive, permettant à la victime d’anticiper la survenue de son dommage, voire d’en réduire sa portée.
Selon Marie-Sophie Bondon, auteur d’une thèse passionnante intitulée « Le principe de réparation intégrale du préjudice : contribution à une réflexion sur l'articulation des différentes fonctions de la responsabilité civile », l'hégémonie de la compensation oblige à clarifier la fonction réparatrice de la responsabilité civile mais également à repenser et renouveler sa fonction normative.
Pour réfléchir à ces questions, nous aurons également le privilège de bénéficier de l’éclairage du professeur Emmanuel Picavet, dont les travaux concernent notamment l'approche éthique de la responsabilité.
|
